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mène dans ces moments-là, et je sens alors que je vis, que j’aime et que je souffre !

ARMANDE, caressante.

Et qui donc aimez-vous, Molière ?

MOLIÈRE, avec humeur.

Oh ! ce n’est point vous !

ARMANDE, piquée.

Je sais que j’ai trop peu de mérite pour cela, et que vous chérissez ma sœur plus que moi !

MOLIÈRE.

Oui, certes ! elle vaut mieux que vous.

ARMANDE.

Alors, pourquoi donc ne l’épousez-vous point ? Depuis qu’elle sèche sur pied à vous attendre, elle a eu le temps de reverdir.

MOLIÈRE.

Que me dites-vous là ? Vous êtes une méchante langue. Ni votre sœur ni moi n’avons jamais songé à nous marier.

ARMANDE.

Quant à elle, cela lui plaît à dire. Quant à vous, il est possible que vous ayez le mariage en horreur.

MOLIÈRE.

Oh ! je l’ai certainement, surtout depuis que je vous connais.

ARMANDE.

Alors, Molière, de quel droit me souhaitez-vous si attentive et si aimante auprès de vous ?

MOLIÈRE, étonné.

Je ne vous entends point ! ne vous regardé-je pas comme ma fille ? ne devriez-vous pas m’aimer comme votre père ? et l’amitié que j’exigerais de vous, peut-elle blesser la bienséance ?

ARMANDE.

Mais oui, si je m’y laisse emporter sans prudence et sans retenue.