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BARON, accablé.

Prononcez donc mon arrêt ! Vous aime-t-il ?

ARMANDE, le regardant attentivement.

Vous êtes brave comme un preux ! Vous voilà tout prêt à être guéri de votre flamme, si je dis oui. Vous ne m’aimez guère !

BARON.

Guéri ! vous dites que je serai guéri ! La mort guérit, en effet, tous les maux !

ARMANDE, riant.

Ah ! Baron, si vous me dites que vous en mourrez, me voilà forcée de ne vous point laisser mourir, pour peu que je ne sois point une tigresse, et, alors, tant pis pour Molière !

BARON.

Vous riez ! vous raillez dans un pareil moment ! quand je me sens prêt à vous sacrifier la conscience de mon amitié, la première fleur de ma loyauté, toute la religion de mon enfance !… Armande, ayez pitié de moi, je n’avais jamais réfléchi, jamais souffert, jamais aimé ! je croyais que le premier amour d’un homme devait être si pur, si doux, et j’en serais tout enivré !

ARMANDE.

Pour enivré, vous ne l’êtes guère, je le vois, et vous me donnez l’exemple d’un courage tout chevaleresque qui me gagne à mon tour. Soyez donc fidèle à Molière, je le serai aussi, et la crainte de déplaire à notre commun bienfaiteur m’empêchera d’écouter l’amour de personne.

BARON.

Armande, vous me tuez ! Oui, oui, souriez avec dédain, moquez-vous, trouvez-moi ridicule !… Dites que les amoureux parlent toujours de leur mort. Je ne sais rien des effets de l’amour, moi ; je n’ai pas encore fait l’épreuve d’un désespoir comme celui où vous me mettez. Mais je sens que, si l’on en guérit, on y doit laisser la moitié de son âme ! Adieu ! je crois que cette épreuve était un jeu cruel pour vous débarrasser de moi, et que vous cherchiez dans ma faiblesse des armes pour