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MOLIÈRE.

Eh bien, mesdames, eh bien, mes amis, cet homme-là, c’est M. le Prince.

MADELEINE.

Le prince de Condé !

MOLIÈRE.

Le grand Condé !

BRÉCOURT.

Seul dans ce pays-ci, quand on le croit à la frontière ?

DUPARC.

Mordieu ! je comprends ! il va rejoindre l’armée des princes, il va marcher sur Paris avec l’étranger, enlever le roi et se faire proclamer peut-être à sa place, après avoir tué ou fait tuer des milliers de gens qui valent mieux que lui !…

Il s’est élancé vers le fond du théâtre, et regarde au loin.
BRÉCOURT, regardant aussi.

Le voilà au fond du ravin. (Duparc élève son arquebuse comme pour viser.) Il va combattre M. de Turenne ! feu, Duparc !

MOLIÈRE, abaissant l’arme avec sa canne.

Non, Duparc ! Cet homme-là, qui a fait tant de bien, peut encore sauver la France, s’il comprend qu’il lui a fait assez de mal !… Turenne, le grand Turenne, était hier contre le roi avec Condé ; demain peut-être, le roi sera avec Condé contre Turenne. Nous vivons dans un temps ou les plus sages font de grandes folies, où les plus fous font tout à coup de grandes choses, à quoi l’on ne s’attendait point… Que Dieu souffle sur l’esprit de vertige ! À quelque chose malheur est bon ! Les petits gagneront à tout ceci d’apprendre que les querelles des grands ne sont point les leurs… Eh bien, mesdames, n’est-ce pas le moment de nous remettre en route ? Qu’avez-vous donc, Armande ? Vous êtes pâle… et, à présent, vous rougissez ! Qui vous agite ainsi ?

ARMANDE, absorbée.

Le grand Condé m’a donné une bague ! à moi ! Oh ! il ne m’oubliera point ! seule ici, j’ai porté sa santé !… La belle bague ! Je vous défie de me l’ôter à présent, ma sœur ! je