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MOLIÈRE.

Non, prince, je l’aime, cette condition : j’y veux vivre et mourir.

LE CAVALIER.

Eh bien, vous êtes, j’imagine, acteur sérieux et tragique. Ces temps agités passeront. On pourrait vous faire engager à l’hôtel de Bourgogne.

MOLIÈRE.

Je n’ai pas tant d’ambition.

LE CAVALIER.

Ou vous en avez une plus haute ? Parlez.

MOLIÈRE.

Que M. le Prince me pardonne ; mais je n’aime que les vers du grand Corneille, et ne me sens pas assez grand pour les dire.

LE CAVALIER.

C’est de la modestie.

MOLIÈRE.

Nullement : j’ai l’humeur enjouée et non point héroïque.

LE CAVALIER.

Vous préférez la comédie ?

MOLIÈRE.

Oui ; mais je ne m’amuse qu’à celles que je fais moi-même.

LE CAVALIER.

Ah ! vous êtes auteur ?

MOLIÈRE.

Point : je n’écris que des canevas sur lesquels mes camarades et moi brodons à l’impromptu des dialogues libres, à la manière des Italiens.

LE CAVALIER.

Ce genre réclame beaucoup d’esprit.

MOLIÈRE.

Il y faut du naturel et l’observation des caractères humains. Cet exercice me plaît et m’instruit, ce me semble, plus que tous les livres.