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que j’ai suivie et mieux agencer mon petit drame. Ceci est la faute de mon talent et non celle de mon sujet. Critiquez donc ma forme et mes moyens, je vous accorde ce droit-là, et non celui de blâmer mon appréciation, car je la maintiens plus honnête, plus morale, plus vraie que toutes celles que vous m’avez indiquées après coup et que pour rien au monde je n’eusse voulu adopter, même avec la certitude d’une grande réussite de talent.

Un mot pour le choix que j’ai fait du théâtre de la Gaieté pour représenter la pièce de Molière. À qui donc en ont ceux qui m’ont blâmé de ce choix ? Ici encore, à propos des acteurs, comme à propos de la pièce, s’élèvent toute sorte de contradictions. « Ces pauvres acteurs du boulevard, a-t-on dit, ils étaient bien étonnés, bien mal à l’aise, d’avoir à débiter une prose plus soignée que celle du mélodrame. » Et cependant, dans les mêmes articles, on reconnaît que tous ces acteurs ont admirablement joué ; on déclare que la pièce a été montée et mise en scène avec un soin exquis ; que madame Lacressonnière a été une Célimène excellente, et M. Paulin Ménier un comique du premier ordre dont la place est aux Français et non à la Gaieté. Pourquoi donc faut-il envoyer au Théâtre-Français tous les talents, toutes les capacités, toutes les grâces ? Est-ce que le Théâtre-Français manque de tout cela ? Non, certes. Et c’est parce qu’il est riche et complet qu’il faut désirer que les artistes éminents des autres théâtres, surtout ceux du boulevard, restent où ils sont ; c’est parce qu’il y a de grands artistes aux boulevards, à la Gaieté comme ailleurs, qu’il faut travailler pour les artistes du boulevard. Quel besoin le Théâtre-Français a-t-il des modernes ? Faibles ou forts, aucun d’eux n’effacera Corneille, Molière, Racine et tant d’autres dont les théâtres subventionnés ont le monopole. Pourquoi les théâtres qui, par leur situation et la modicité des places, sont seuls à la portée du peuple, sont-ils privés de Molière, de Corneille, de Racine et de tous les chefs-d’œuvre classiques ? On prétend qu’il faut conserver pures les traditions et favoriser la stabilité d’un monument élevé à la mé-