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mettez vous à votre table et n’oubliez pas que votre pièce n’est point finie.

MOLIÈRE.

Bon ! bon ! elle le sera dans un moment ; je n’ai plus qu’une scène à écrire.

LAFORÊT.

Mais vos acteurs, et vos actrices surtout, prétendent ne point savoir leur affaire.

MOLIÈRE, assis et travaillant.

Je les attends ici pour répéter, et je veux écrire le dénoûment de la pièce, du temps qu’ils répéteront les premières scènes.

LAFORÊT.

Ah ! monsieur, vous n’y songez point ! Prétendez-vous qu’ils étudient, qu’ils répètent, qu’ils jouent, et le tout quasi à la fois ? car Sa Majesté le roi viendra dans deux heures et compte que vous êtes prêt.

MOLIÈRE.

Le roi aura de l’indulgence.

LAFORÊT.

Les rois n’en ont point pour ce qui regarde leurs amusements. En vérité, mon maître, vous avez pris là une charge bien lourde de vouloir faire rire des gens qui ne rient que quand ils veulent. Le roi ne veut point savoir que vous êtes malade et que votre pauvre corps ne suffit pas à tout le mal que vous vous donnez. Vous sortez à peine de votre lit, et il faut déjà que vous écriviez une pièce de prologue, que vous la fassiez apprendre et répéter, et que vous y fassiez votre rôle en propre personne… (À part.) Il ne m’écoute point. Tant mieux ! car, à babiller de la sorte, je ne fais que le retarder. Mon pauvre maître ! il est tout changé de couleur et bien maigri depuis ces derniers temps !

MOLIÈRE, lui jetant une feuille de son manuscrit.

Tiens, lis à mesure, et, si quelque chose te choque, dis-le, en peu de mots.