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qu’elle ne se fût évanouie, je la pris dans mes bras et je la portai sur le divan, où elle resta inerte et comme épuisée pendant quelques instants. Puis, sortant comme d’un rêve et véritablement égarée, elle se jeta à mes pieds, voulut embrasser mes genoux et baiser mes mains en me suppliant de ne pas la chasser de la maison de son père.

» Je n’y comprenais rien. La vieille négresse rentra avec une couverture rayée dont elle enveloppa sa maîtresse et un verre d’eau qu’elle lui fit boire. Elle s’en alla de nouveau et revint encore avec des gâteaux qu’elle la pressa de manger, et, comme elle m’en offrait aussi, et que je refusais, Nama me supplia, en s’agenouillant de nouveau, de partager son repas.

» Je voulus faire des questions ; on me fit signe que l’on était condamné à garder le silence, et que, par decorum, je devais le garder aussi. Je mangeai donc d’un air hébété des pâtisseries préparées par la négresse. On me fit prendre du café, on m’alluma un cigare qu’on me mit dans la main, puis on me montra la porte d’un air abattu et respectueux en me disant : À demain. Comme je me retournais pour saluer, je vis les deux femmes, qui avaient fort bien mangé, se recoucher sur le tapis et se mettre en devoir de recommencer leur scène de désespoir. Elles s’étaient donné des forces pour accomplir jusqu’au bout cette solennité.