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— Oui, il y a de ça, et puis quelquefois je me rappelle comme elle a été effrayée et à moitié folle quand elle a naufragé par ici avec son père. Je vous ai raconté ça, mais je ne vous ai pas dit que, depuis ce moment-là, elle avait toujours eu quelque chose dans l’idée, comme des rêvasseries, des fantaisies. Je l’ai épousée malgré ça. Je l’aimais, comme je l’aime toujours, et je pensais la rendre heureuse et lui faire oublier tout. Ça est resté, et, la nuit, quand le vent est fort, elle a des frayeurs, elle crie, ou il lui prend des colères, et si fort quelquefois, que j’ai peur pour les enfants. Ah ! on n’est pas toujours heureux, allez, dans ce monde, et on a beau faire de son mieux, il faut souffrir !

Tel est le résumé des courtes réponses arrachées à Estagel par mes nombreuses questions. Je lui en fis dire assez pour avoir lieu de craindre, avec lui et plus que lui, que sa femme ne fût menacée d’aliénation.

Au bout de deux heures, comme nous rentrions au poste, l’aînée des deux petites filles assises au seuil de la maison se leva et nous dit :

— Ne faites pas de bruit, maman dort.

— Est-ce qu’elle est donc malade ? dit le brigadier en baissant la voix.

— Non, elle a dit qu’elle était fatiguée et que nous nous taisions.

— Mais qu’est-ce que Louise a donc à se cacher la figure ? Elle a pleuré ?