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fûmes seuls en cabriolet, Pasquali étant monté avec Marescat sur le siège de la calèche ; mais il faut te dire que les la Florade sont plus à craindre de loin que de près, et que j’aime mieux lui donner ses entrées franchement que de le voir rôder sous les fenêtres.

— Vous commencez donc à craindre…

— Pour le repos de la marquise ? Non ; mais un don Juan amoureux et sincère peut compromettre la réputation d’une femme par des étourderies, si on irrite sa passion. Et puis je ne veux pas qu’il aille s’imaginer qu’on enferme celle-ci et qu’on la surveille parce qu’on le craint. Demain, je le conduirai chez elle. Il ne la connaît pas assez, vois-tu ; il s’imagine qu’on peut oser avec elle comme avec toutes les femmes, et que l’occasion seule lui manque. Selon moi, la véritable dignité d’une mère de famille n’est complète qu’à la condition de ne pas fuir devant ces prétendus dangers qui n’existent que dans les romans. Les romanciers, mon cher enfant, ne mettent pas volontiers en scène les femmes vraiment fortes ; ils ont peur qu’on ne les trouve invraisemblables ou ennuyeuses. Le roman a besoin de drames et d’émotions, par conséquent de personnages qui s’y prêtent par nature et à tout prix ; mais le roman est une convention, et l’art cesserait peut-être de nous sembler de l’art, s’il voulait être absolument gouverné comme la vie. Ici, nous sommes dans la réalité,