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Je dus croire qu’il s’abandonnait pour son compte au plaisir de penser tout haut à sa jeune et digne amie.

— Son avenir me préoccupe beaucoup, disait-il. Voilà une femme adorable qui n’a pas connu l’amour. Elle a cru trouver l’amitié dans le mariage ; elle n’y a même pas trouvé ce sentiment d’estime qui, dans le cœur d’une femme vertueuse, ne remplace pas l’amour, mais amortit respectueusement l’absence d’une vive affection. Elle a contemplé pendant près de dix ans l’égoïsme grimaçant ses vilaines souffrances à son côté, et la voici dans toute sa floraison de santé morale et physique, cette belle Ariane, délivrée du monstre ! Où est le Thésée qu’elle voudra suivre ? En connais-tu un qui soit digne d’elle ?

— Non ; et vous ?

— Qui sait ? Je cherche ! Si j’avais seulement quarante ans de moins et la figure que je n’ai jamais eue, je ne chercherais pas longtemps. Je serais sûr de l’aimer tant et si bien, qu’elle serait la plus heureuse des femmes ; mais je suis venu trop tôt ou elle est venue trop tard. Il est rare que les âmes se rencontrent dans cette vie à l’heure propice et sous les dehors qu’il faudrait. Elle est certainement la seule femme que j’aurais pu aimer et pour qui j’aurais sacrifié sans regret mes études et mes habitudes. Malheureusement, j’ai toujours été laid comme un singe,