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— Vous êtes bonne ! mais elle vous ennuiera beaucoup, je le crains.

— On n’est pas précisément jeté en ce monde pour s’amuser, docteur ; mais j’ai peu de mérite à plaindre et à soigner les malades. J’ai passé ma vie à cela. Mon pauvre père était couvert de blessures ; mon mari…

— Payait une jeunesse orageuse par une vieillesse prématurée ?

— Le baron vous l’a dit ? Eh bien, c’est vrai, et puis mon Paul si délicat, toujours languissant dans sa première enfance ! Le voilà guéri, je n’ai plus de malades, et cela me manque. D’ailleurs, mademoiselle Roque m’est sympathique. Vous savez combien dans le cœur des femmes la pitié est prête à devenir de l’affection. Vraiment cette fille est touchante avec son respect filial, son inertie fataliste, et l’espèce de terreur où elle vit sans se plaindre, car vous n’ignorez pas qu’elle est fort mal vue parmi les paysans, et même parmi les bourgeois campagnards des environs. Sa mère était restée musulmane, sa négresse l’est encore, et on l’accuse de l’être elle-même, bien qu’elle ait reçu le baptême. Je me suis fait expliquer par elle comme quoi son père, ne croyant à rien, avait pourtant exigé qu’elle fût enregistrée comme chrétienne aux archives de la paroisse. Il voulait ainsi la préserver des persécutions et des répugnances dont sa mère et sa servante noire étaient