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seul et pour lui ; mais dites au lieutenant la Florade de faire attention.

— Vous pensez donc ?…

— Je ne pense rien ; j’ai vu ! Une fois que je dormais dans un fossé, attendant un homme de la campagne avec qui j’avais affaire de fourrage pour mes bêtes, — c’était un soir qu’il faisait un grand brouillard sur le cap, — j’ai été réveillé par des pas, et j’ai vu passer le lieutenant, qui s’en allait suivi de la femme au brigadier. Il s’est arrêté deux fois pour lui dire : « Adieu, va-t’en ! » Mais, à la troisième fois, comme elle le suivait toujours, il s’est fâché, et il l’a un peu poussée, en disant : « T’en iras-tu ? Veux-tu te perdre ? Je veux que tu t’en ailles ! » Elle est restée là plantée comme un arbre au bord du chemin, et elle l’a regardé marcher du côté de la mer tant qu’elle a pu le voir. Elle était tout à côté de moi, et moi de ne pas bouger, car qui sait quelle dispute elle m’aurait cherchée ! Alors je l’ai vue qui levait son poing comme ça au ciel, et elle a juré dans son patois italien en disant : « Tu mourras ! tu mourras ! » Vous sentez que je n’ai parlé de ceci à personne, et, si je vous en parle, c’est pour que vous avertissiez votre ami de ne pas retourner par là tout seul. Une femme n’est qu’une femme ; mais il y a, dans nos pays de rivages, des bandits qui sortent on ne sait pas d’où, et qui, pour une pièce de cinq francs… Vous m’entendez bien. Faites ce que je vous