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mendiant, ce gros homme tondu et barbu qui jouait de la vielle — très bien, ma foi ! — en chantant d’une voix éraillée par l’usage et le rogome, des chansons où l’on parlait de la « Croix de ma mère », et du soldat « mort au champ d’honneur ». C’est lui. Que de fois je lui ai jeté deux sous dans la cour de ma maison. Ce que c’est que le sort ! Vrai, je ne me doutais pas que ce musicien ambulant pourrait jamais jouer un rôle dans les destinées de la capitale du monde civilisé !

Bref ! j’en ai assez, et vais aller me promener tout tranquillement. J’ai besoin « du murmure des eaux et de l’émail des prairies » — comme dit cet autre. C’est pour cela que peut-être vers le 15 avril, je passerai par Nohant en route pour l’Andalousie. Là-bas aussi, les républicains en ce moment élaborent le progrès politique à leur manière ; mais au moins ce sera une variété dans le chaos. C’est toujours cela !

En attendant, écrivez-moi surtout si — à cause de la simplification introduite dans le fonctionnement de l’Administration des Postes, — vous avez quelque chose d’important à adresser à Paris.

Mettez sur l’adresse :

Aux soins de M. Washburne,
Ministre des États-Unis,
À la Légation,
7, rue Mademoiselle,
à Versailles.

Et je vous embrasse de tout cœur.

H. HARRISSE.

Mes compliments à Maurice et à sa femme. Peut-on aller à Nohant maintenant sans coucher en route ?