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Paris, samedi soir, 18 février 1871.
Chère amie,

Aussitôt votre lettre reçue, ce matin, je me suis mis à la recherche du brave Plauchut, afin de nous concerter pour un voyage à Nohant. Malheureusement en même temps que votre aimable épître il nous arrivait à tous deux des masses de lettres d’affaires, accumulées depuis cinq mois ! Ni lui ni moi nous ne pouvons, en conséquence de ce surcroît de besogne, aller à Nohant avant une dizaine de jours. L’un ou l’autre ira certainement, si ce n’est tous les deux, vers la fin de la semaine prochaine ; et nous aurons bien soin de passer chez MM. Boutet et Aucante afin de vous procurer l’argent dont vous avez besoin. Faudra-t-il prendre tout ce qu’il y a ou une partie seulement ?

Hier j’ai vu M. Luguet, et ai appris qu’on avait tout saccagé, tout pillé, dans sa petite maison d’Asnières d’où il n’avait pas eu le temps de rien emporter lors de l’investissement de Paris. Il demeure dans un hôtel garni, et semble supporter son malheur bravement. Son fils est prisonnier en Allemagne ou interné en Suisse.

J’ai aussi reçu une lettre de Dumas ce matin, mais elle est du 12 au moins, car il y parle de venir voter à Paris pour M. Thiers, et m’envoie les remerciements de sa famille.

Taine est à Pau, et About à Bordeaux.

Nous avons ici un temps de printemps depuis hier, et les vivres commencent à abonder. Le charbon de bois et le bois de chauffage manquent encore, et la ville n’est pas éclairée au gaz. Les Variétés, les Bouffes seuls ont rouvert. Aux Français on ne joue que dans la journée,