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der nos passeports. Je n’en ai pas. Non, ils ne les demandent pas.

Nous mangeons à la hâte. Nini se souvient qu’il y a vingt jours elle a mangé des petits pois à ce même buffet, elle n’a pas de préoccupations politiques.

À Vierzon, plus de soldats, et encore des gendarmes, mais ils ne demandent rien et ne paraissent regarder personne. Il y a fort peu de voyageurs dans les premières places ; beaucoup de marchands de bestiaux chargés d’argent et suivis de leurs chiens. Ils frappent de leurs pieds gelés sur les dalles, ils parlent du marché de Poissy, du cours des moutons et des bœufs. Un seul individu, un employé qui demande les billets à la portière, nous demande à demi-voix ce qui se passe à Paris. « On se bat. — Ah ! sac… n… de D… ! — On tire sans sommation. — Ah ! nous sommes donc f… ! » et il s’éloigne en criant : « Issoudun, Châteauroux ! »

À Issoudun, une heure du matin, profond silence, brouillard et clair de lune. Pas un chat autour du convoi. On dort, on se cache. Allons, la province n’est pas en rumeur.