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nous voudrions vous sauver et vous recueillir avant que le désastre s’accomplisse.

Vous avez eu beau faire, vous tenterez vainement encore tous les palliatifs ; vous avez miné vous-mêmes la question de votre propre existence, en vous imaginant que le capital pouvait exploiter le travail jusqu’à la fin des siècles. Le travail était la source du fleuve que sillonnait fièrement votre navire. La source menace de se dessécher. Que ferez-vous alors ? Bien peu d’entre vous peuvent attendre, et ; quand même ils attendraient, un fleuve disparaît vite quand la source est tarie.

Ne dites pas que la nécessité forcera le travailleur à refaire le pacte du passé. Ce serait pour vous un sursis de quelques jours. Il est prouvé, par la science sociale, que ce pacte conduit le travailleur à sa perte, au work-house, qui n’est lui-même qu’un dernier temps d’arrêt entre la vie et la mort.

Il est bien possible que vous croyiez de bonne foi, pour la plupart, à l’efficacité des petits remèdes. Cela prouverait votre ignorance. Il est possible aussi que vous réussissiez à persuader au travailleur qu’un peu plus de générosité et de prudence de votre part suffira pour le rassurer. Cela prouvera aussi qu’une partie du peuple partage votre ignorance. Mais le mal fera des progrès sous votre emplâtre, et la solution, pour être retardée, n’en sera que plus difficile et plus périlleuse.

Ouvrez donc les yeux. Qui vous demande de vous immoler ? Quelques exaltés que le peuple vous aiderait,