Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée

nous blâmons Paris parce que c’est lui qui décide de tout sans consulter. Quand nos parents et nos amis font du bruit et de la dépense, nous ne les maudissons pas, mais nous les blâmons, et nous ne voulons pas être obligés de faire comme eux, nous qui aimons la tranquillité et l’économie.

Certainement il y a du vrai dans ce que vous dites ; Paris décide avant vous et vous êtes obligés de vouloir ce qu’il veut, parce que, quand la nouvelle vous en arrive, il est trop tard pour que vous l’empêchiez.

Et puis Paris est si fort ! il y a tant de monde ! et tout le peuple s’y tient en si bon accord pour vouloir la même chose ! Et vous, vous êtes tous semés sur la terre, chacun dans son droit, n’ayant occasion de vous voir qu’aux jours de fête et de marché.

Dans les petites villes, on s’assemble plus aisément, mais on n’est pas assez en nombre pour résister, et la plus grande ville de France ne pourrait pas envoyer assez de monde pour inquiéter Paris et pour le faire changer d’avis.

Voici ce qu’on peut vous répondre : votre résistance paraît impossible, elle ne le serait pourtant pas, si vous aviez le droit et la raison pour vous. Si un centre comme Paris où vont et où peuvent aller toutes les bonnes têtes, tous les bons cœurs, tous les bons bras de la France, pouvait se tromper sur ce qui convient à la France ; ou bien, chose impossible, ne pas vouloir, ce qui est bon et juste pour toute la France, Paris ne pèserait pas plus qu’un grain de blé dans les balances du vrai Dieu. Vous sentiriez tous à la fois et