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dans le travail ; mais, si cette croyance se fait trop absolue, elle frise bientôt ce que l’on pourrait appeler un mysticisme réaliste, et, en devenant intolérante et hargneuse, elle rétrécit son horizon et use rapidement son énergie. L’énergie véritable, vitale de la critique est de voir chaque chose au point de vue de la conception qui l’a produite. M. Mario Proth l’a très bien senti, du reste, en se plaisant avec tant de laisser aller à l’érudit et charmant travail que nous venons de lire. D’abord l’histoire de d’Urfé et de sa famille, qui est, en même temps, une très remarquable page de l’histoire du moyen âge et de la renaissance ; et puis l’analyse excellente du livre de l’Astrée, ses tendances, ses intentions, sa cause et son but, ses défauts trop faciles à railler aujourd’hui, ses qualités difficiles à surpasser, ses résultats, son influence sur la littérature et sur les mœurs. Tout ami des lettres, tout esprit préoccupé des enseignements de l’histoire voudra, sinon relire l'Astrée, du moins lire avec attention l’analyse de Mario Proth, et, pour ceux qui ne demandent qu’une teinture strictement nécessaire de ces choses, il est indispensable qu’ils se munissent d’un renseignement si rapide, bien que très complet, et si amusant, bien que très sérieux.

Autre mérite de ce travail. La nature y est bien vue, bien comprise et bien exprimée : certains paysages sont dessinés de main de maître, et le savant y trouve, aussi bien que le peintre, la notion nécessaire à sa satisfaction intuitive. M. Mario Proth est très instruit en toute chose, ce qui donne une grande lucidité à