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Paris leur est dangereuse, la vie de province ne l’est pas moins dans un autre sens. Elle engourdit parce qu’elle est triste, parce qu’on ne sait plus s’amuser, parce qu’on ne s’entend plus, parce qu’enfin, la vie étant devenue très positive et très âpre, on a oublié que la jeunesse a droit au plaisir et qu’elle en a besoin. Faites-lui des plaisirs honnêtes et intelligents ; ayez un théâtre, et, quand vous en aurez un, allez-y ; encouragez les artistes, et vous en aurez de bons, qui feront de vrais efforts pour répondre à vos sympathies. Ouvrez des conférences, organisez des lectures. Ayez des collections d’histoire naturelle et des ouvrages qui permettent aux vocations de prendre tous ces chemins-là. En vous obstinant à faire de vos fils des gens d’affaires, des médecins ou des fonctionnaires, vous étouffez toutes les autres vocations qui sont pourtant tout aussi méritoires et tout aussi honorables. Si vous poussiez les jeunes gens à se faire connaître, à s’instruire les uns les autres et à instruire le peuple par des cours gratuits, par de la musique enseignée méthodiquement, par des représentations de théâtre, par une revue littéraire locale, que sais-je ? par tous les moyens qui n’ont d’essor qu’à Paris, vous verriez se révéler des aptitudes que vous ne soupçonnez pas, et, si ces aptitudes manquaient, vous auriez du moins des enfants capables de se mesurer avec le public et habitués à manifester simplement et librement la tendance de leur esprit.

La ville de la Châtre semble avoir fait d’elle-même les réflexions que je lui suggère, en se portant en