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siècles de spiritualisme qu’il ne lui est pas possible de dépouiller, et, quand il a épuisé toutes les formes descriptives pour montrer la beauté reine du monde, et toutes les couleurs de la passion pour peindre le désir inassouvi, il retombe épuisé pour crier à l’idéal terrestre : « Tu n’aimes pas ! »

Voilà pourquoi, après avoir dit : « Non, le lyrisme n’exprime pas l’homme réel, » on peut dire aussi : « Oui, le lyrisme révèle le fond de l’âme du poète, et moins il a la prétention de se montrer en personne dans ses vers, plus il traduit les tendances supérieures de son être. »

Ici vit le grand combat qui, depuis deux mille ans et plus (beaucoup plus !), tourmente et stupéfie l’âme humaine. C’est l’éternel « pourquoi » des générations avides d’un idéal mal cherché et qui semble insoluble encore à la plupart des hommes. Ce n’est pas ici le lieu pour philosopher et pour insinuer une vague intuition, une tremblante espérance de cette solution tant rêvée. C’est, d’ailleurs, aux poètes eux-mêmes qu’il faut la demander. Ils sont les précurseurs des métaphysiciens, s’ils ne sont pas les vrais métaphysiciens ; qui sait ? Pour moi, je n’affirmerais pas bien résolument le contraire, et je dis que la lumière naîtra d’une sensation traduite par l’élan poétique. Une impression spontanée, chez un esprit supérieur, caractérisera tout à coup l’homme nouveau. Sera-ce l’amour ou la mort qui parlera ? peut-être l’un et l’autre, peut-être que, dans l’extase du plaisir, excès de vitalité, ou dans la volupté du dernier assoupissement, paroxysme