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portement, nulle aigreur au sein de cette tourmente, une grande foi et une grande bonne foi, antithèse délicate pour la conscience et vaillamment résolue par un esprit juste et bien trempé.

Ce livre, plein d’intérêt d’un bout à l’autre, nous l’avons lu deux fois avec la même sympathie et la même satisfaction. Il nous a expliqué plus d’une énigme de détail, et nous a confirmé dans une appréciation générale instinctive. Nous nous étions dit : « Cela devait être ainsi » ; et c’est un plaisir sérieux pour nous de voir qu’il en a été ainsi, car nul doute ne peut s’élever contre la franchise et le bon sens du narrateur.

Ajoutons que des épisodes saisissants sont, au point de vue de l’art, écrits de main de maître : la mort du petit trompette sicilien, les imprécations de la vieille dame de Maïda, la mort de Lupatelli et de ses compagnons, celle de Paul de Flotte, et toutes les tragédies de la bataille au bord du Vulturne.

En dépit des déchirements de cœur qui se font en lui chaque jour dans cette campagne, le narrateur est Français ; c’est vous dire qu’il a de l’esprit et que son ironie achève souvent avec une amère gaieté l’œuvre de son indignation ; mais le respect des sentiments nobles domine cette fièvre généreuse, et nous ne pouvons mieux terminer notre appréciation que par celle de M. Maxime Du Camp sur M. de Flotte et M. de Pimodan : « Chacun d’eux, dit-il, représentait bien une des vertus de cette France contradictoire, vertus qu’on a appelées l’esprit de routine et l’esprit