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La France devait être représentée aussi dans cette campagne irrégulière, merveilleuse, inspirée. Elle ne pouvait l’être que par un très petit nombre de ses enfants ; elle en avait tant donné à Solferino et à Magenta ! Elle avait largement ouvert ses entrailles généreuses : il semblait qu’elle eût épuisé le plus pur de son sang. Pourtant, quelques-uns s’étaient réservés pour la dernière lutte, et, parmi ceux-ci, Maxime du Camp s’est chargé de représenter la classe des écrivains penseurs et artistes. Sachons-lui-en beaucoup de gré ; son dévouement nous honore tous.

Il est impossible de se jeter dans les périls d’une aventure épique et de faire bon marché de sa vie avec plus de modestie et de simplicité. L’auteur de cette relation touchante et forte nous parle à peine de lui, ne se cite que comme témoin oculaire, et ne se donne même pas la satisfaction philosophique de nous initier aux motifs de sa résolution. Le moi est pour ainsi dire absent, et pourtant, à travers cette réserve pleine d’un goût bien rare chez les gens de lettres, sa personnalité d’artiste se révèle heureusement à chaque page. Il voit la nature et les pittoresques scènes de mouvement qu’il traverse sur terre et sur mer ; il les voit en peintre fidèle, concis, ému, trois qualités difficiles à réunir dans un rêve si agité. Un beau et brave sang-froid lui a permis de tout regarder, de tout sentir, de tout comprendre, depuis le langage mystérieux du flot mourant sur le sable jusqu’à la parole inspirée des héros qu’il coudoie. Il examine ces hommes, il les raconte et les traduit en historien et