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Il fallait un texte à ces excellents et charmants dessins. Les éditeurs-artistes ont eu l’heureuse idée de choisir un naïf et gracieux poème, écrit au siècle dernier en patois du pays.

Grossié ! me diri-vo, faudrit parla françois ?
Y ne me revint pas si ben que lo patois.

Blanc, dit la Goutte, auteur de ce poème original, était un simple épicier de la place Claveyson, à Grenoble. Épiciers tant raillés par les romantiques d’il y a trente ans, vous ne saviez donc pas que vous aviez au Parnasse un aimable patron à invoquer ? Martyr enjoué et résigné au milieu des douleurs atroces d’une goutte continuelle, il conservait, comme Scarron, le sel de l’esprit gaulois ; mais, plus chaste et plus sensible que l’auteur du Roman comique, il a chanté surtout les désastres de son pays.

N’attendant de celey ni profit ni renom,
Passant mou tristou-z-an j’instruirai mou nevon. »

En effet, Blanc la Goutte était, lui aussi, un historien et un archéologue en même temps qu’un poète. Son œuvre, intitulé Grenoblo malhérou, est le récit de la désastreuse inondation de 1733, avec toutes les infortunes et souffrances publiques et privées qui en furent la conséquence. M. Rahoult n’a eu qu’à suivre les scènes énergiquement tracées par cette main fébrile et souffrante :

A pena din le man poei-je teni mon livro ;
Je n’ai plus que lou z-yeux et quatro deigts de libro.