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risque sans crainte de paradoxe et qu’on ne contestera probablement pas, après avoir lu cette simple et intéressante histoire.

On se tromperait pourtant, si, à priori, on croyait trouver entre ces deux petits États une similitude qui établît la confirmation de l’existence de l’une par celle de l’autre. Andorre et Saint-Marin diffèrent autant que les types qui les constituent. L’histoire d’Andorre est patriarcale , celle de Saint-Marin est héroïque : Andorre est une paisible municipalité solidement constituée ; Saint-Marin, une forteresse et une sorte d’église. Je n’hésite pas pour mon compte, à donner toute ma préférence à Saint-Marin par ce seul fait que, dans toutes les époques de péril et de lutte, son rocher a servi d’asile aux proscrits et aux persécutés, tandis que les bons bergers d’Andorre n’ont été hospitaliers qu’à ceux dont la présence ne leur apportait ni trouble ni danger.

Ceux-ci me paraissent avoir les antiques vertus qui caractérisent le paysan, vertus négatives en bien des cas, et qui seraient vices à la limite de leurs étroits domaines : la justice en famille, l’égoïsme à plusieurs ; une fraternité touchante quand on la voit pratiquée dans le petit troupeau, mais qui disparaît dès qu’une pauvre brebis errante vient y chercher protection ; avant tout, la prudence, cette grande qualité de la vie rustique qui ne se laisse jamais entamer par le dévouement, et qui ferme obstinément sa porte à tous les genres de progrès.

Ceux-là (Saint-Marin) sont de vieux chrétiens du