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l’éducation monarchique ne saurait produire, puissent germer et s’enraciner dans le sein des citoyens.

Il n’est pas vrai que la force aveugle des canons et des armées suffise pour reconquérir l’indépendance. Dans les combats de la liberté nationale, il faut, avec les forces matérielles, une idée qui préside à leur ordonnance et qui dirige leurs mouvements ; la bannière qui s’élève du milieu des armées doit être le symbole de cette idée ; et — les faits l’ont irrévocablement prouvé — cette bannière vaut la moitié du succès. Du reste, l’accord franc, hardi, durable, entre six princes, plusieurs de race autrichienne, presque tous de race étrangère, jaloux et méfiants les uns des autres, tremblants devant le peuple par la conscience de leurs méfaits, n’ayant contre lui d’autre secours à espérer que celui de l’Autriche, voilà, pour soutenir la guerre d’indépendance, une utopie bien autrement extravagante que la nôtre.

Vous ne pouvez donc espérer fonder une nation qu’avec un homme ou avec un principe. Avez-vous l’homme ? Avez-vous parmi vos princes le Napoléon de la liberté, le héros qui sache à la fois penser et agir, aimer plus qu’aucun autre, et combattre ? Avez-vous l’héritier de la pensée de Dante, le précurseur de la pensée du peuple ? Faites qu’il surgisse et qu’il se révèle ; sinon, laissez-nous invoquer le principe ; n’entraînez point l’Italie à la remorque d’illusions pleines de larmes et de sang.

Nous disions ces choses non publiquement, mais dans nos entretiens particuliers et dans notre corres-