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besoin, pour empêcher le peuple d’être égaré par un de ces moments d’inexprimable anarchie où le sang coule sur le pavé de Paris avant que l’idée soit formulée. Voulait-il donc ravir le pouvoir à tel ou tel homme pour s’en emparer ?

Voilà ce qu’on croit toujours et ce qui paraît le plus croyable dans les crises révolutionnaires, parce qu’en effet la plupart des hommes de mouvement les font volontiers naître à leur profit. Mais, parmi les hommes d’exception qui donnent tout sans vouloir jamais rien recevoir, l’homme dont je parle est un des plus purs, des plus grands, des plus fanatiques, si ce mot peut s’appliquer au dévouement et au renoncement. Cet homme est né pour le sacrifice, pour le martyre, et, parmi ceux qui le blâment, il n’en est pas un seul qui ne l’aimerait et ne l’admirerait, s’il le connaissait particulièrement.

Mais qui ne le connaît ? qui n’a déjà reconnu Barbès à ce que je viens d’en dire ? Barbès, qui, au fond de sa prison, n’a point encore eu d’autre préoccupation, d’autre souci que la crainte de voir des innocents compromis dans sa cause ? Qui n’a senti, en lisant les lettres de Barbès au colonel Rey et à Louis Blanc, qu’une grande âme était là aux prises avec une terrible destinée ? Un mot bien simple du colonel Rey a frappé tous les cœurs en France d’un choc électrique ! Merci, honnête homme ! Oui, honnête homme ! Ce titre-là est grand comme le monde aujourd’hui, aussi grand, aussi rare que le génie de Napoléon dans le passé. La gloire maintenant court