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Mais enfin, on me l’a si bien expliqué, que j’ai été forcé de me rendre à l’évidence. D’abord, je suis associé aux conspirations d’un abominable vieillard qu’on appelle, à Paris, le Père Communisme, et qui empêche la bourgeoisie de continuer à combler le peuple de tendresses et de bienfaits. Ce misérable, ayant découvert que le peuple était fort affamé, s’est avisé d’un moyen pour diminuer les charges publiques : c’est de faire tuer tous les enfants au-dessous de trois ans et tous les vieillards au-dessus de soixante ans ; puis il ne veut point qu’on se marie, mais qu’on vive à la manière des bêtes. Voilà pour commencer.

Ensuite, comme je suis le disciple du Père Communisme, j’ai obtenu de M. le duc Rollin que toutes les vignes, toutes les terres, toutes les prairies de mon canton me seraient données, et je vais en être propriétaire au premier jour. J’y établirai le citoyen Communisme, et, quand nous aurons fait tuer les enfants et les vieillards, quand nous aurons établi dans toutes les familles le régime des bêtes, nous donnerons à chaque cultivateur six sous par jour, et peut-être moins ; moyennant quoi, ils vivront comme ils pourront, pendant que nous ferons chère lie à leurs dépens.

Ne croyez pas que j’exagère ni que je plaisante, ceci est textuel. Il y a mieux. Depuis l’affaire du 15 mai, où, comme chacun sait, la commission exécutive a proclamé M. Cabet roi de France, j’ai fait mettre au donjon de Vincennes les meilleurs députés, et même mes meilleurs amis ; si bien qu’un brave métayer de