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il n’y a pas de culte ; enfin que là où il n’y a pas l’un et l’autre, il n’y a pas de religion. C’est comme si Ton nous disait que, sans rois et sans papes, il n’y a pas de République. La République prouvera, j’espère, qu’elle peut laisser à César ce qui est à César, c’est-à-dire le règne du passé, et rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire le règne de l’avenir. Jésus ne l’a pas entendu autrement, quoi qu’en disent les prêtres.

Que sera donc le culte ? car il faut un culte à la religion de la France.

Oui, il faut un culte à la France républicaine ; il faut un culte à tous les hommes libres. À Dieu ne plaise que nous en méconnaissions la sublime nécessité ! Le culte, comme nous l’entendons, c’est l’expression de l’idéal des masses ; c’est la proclamation de l’idée commune à tous ; et ce n’est que dans les manifestations publiques que cette idée prend une valeur religieuse. L’homme isolé aspire à Dieu, et cherche la vérité comme il le peut, comme il le sent, comme il l’entend. Là, il est complètement libre et ne relève que de sa conscience. Il faut que le culte le laisse libre, mais il faut qu’il lui enseigne la fraternité, et qu’il lui en fasse subir le doux entraînement par l’enthousiasme. Le culte ne s’empare pas de la raison, il lui parle et la passionne ; car la raison isolée est froide, elle tend à l’égoïsme et cesse d’être la raison vraie. Le culte ne violente pourtant pas l’égoïsme ; il ne lui dit pas : Viens à moi ou sois maudit. Il l’appelle et l’attire ; il séduit l’imagination, il excite tous les besoins du cœur, et, par l’attrait d’une joie sainte,