de détails qui tenait du prodige. Un jour, nous résolûmes de l’observer pour voir s’il avait quelque pratique sécrète d’une superstition grossière, ou s’il préparait quelque jonglerie. Nous feignîmes de nous éloigner, et nous fîmes un détour pour le surprendre. Nous parvînmes jusqu’à lui sous le taillis avec des précautions tout à fait inutiles, car l’état où nous le trouvâmes ne lui permettait pas de nous voir et de nous entendre. Il était étendu à terre, et paraissait en proie à une angoisse inexplicable. Il se tordait les bras, faisait craquer ses jointures, bondissait sur le dos comme une carpe, respirait avec effort, la face pâmée et les yeux éteints. Nous crûmes qu’il était épileptique ; mais les choses n’en vinrent pas là. Il n’eut ni écume à la bouche, ni rugissement, ni atonie. Ce fut une simple attaque de nerfs, une agitation convulsive, un étouffement pénible, quelque chose de plus douloureux qu’effrayant à voir, et dont il se tira en moins de cinq minutes. Nous le vîmes ensuite se relever peu à peu, s’étendre, se calmer, se ravoir, comme on dit, et rester là encore quelques minutes, comme partagé entre une grande fatigue et une sorte de bien-être. Quand il quitta la place pour nous chercher, nous allâmes le rejoindre par un assez long détour, afin de ne pas l’inquiéter, et il dit à mon frère en l’abordant :
— Aujourd’hui, si je ne m’en mêle pas, vous ne tuerez rien.
En effet, mon frère tira plus de douze coups de fusil dont pas un seul ne porta. — Je suis donc le dernier des maladroits ! s’écria-t-il en frappant la terre de la crosse de son arme. Ah ça, maître Mouny, tâchez de me désensorceler.
— C’est bien aisé, mon ami, répondit Mouny de sa voix douce et agréable. Donnez-moi cela. De quel côté voulez-vous que je charge ?