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nous, et c’était une grande marque de confiance qu’il nous donnait. — Tu te crois donc sorcier, que tu caches ainsi ton savoir-faire ? lui disions-nous. — Non, répondait-il ; mais il ne faut pas qu’une femme sache rien des affaires de la chasse : cela porte malheur.

Cet homme offrait dans ses idées au premier abord un singulier assemblage de crédulité et de scepticisme. Il ne croyait vraiment pas au diable ni aux mauvais esprits, mais à la fatalité, ou plutôt à des influences pernicieuses ou bienfaisantes, qu’aucune science, je crois, n’a jamais reconnues, faute peut-être de les avoir observées. Il eût été bien important que nous fussions assez éclairés pour examiner ou reconnaître les propriétés qu’il attribuait à certains corps, à certaines émanations, à certains contacts. Quand on l’examinait de près, on voyait bien qu’il n’était pas superstitieux le moins du monde, et qu’il agissait en vertu d’une théorie physique vraie ou fausse. Les résultats étaient la plupart du temps si extraordinaires, que, selon toute apparence, il ne se trompait pas souvent dans l’application. Je ne crois pas qu’il ait cherché jamais à remonter aux causes ; mais il avait certainement une science d’instinct ou d’observation. D’où la tenait-il ? Nous n’avons jamais pu le savoir, et j’ignore s’il le savait lui-même. À cet égard, ses réponses étaient évasives, et comme il était plus fin que nous, nous n’en tirâmes jamais rien.

Toutes les fois que la chasse était mauvaise, il se retirait (c’était son expression), c’est-à-dire qu’il se cachait à nos regards, soit dans un buisson, soit dans un fossé, soit dans quelque masure déserte, et qu’après y être resté un certain temps, il en sortait pâle, anéanti, frissonnant, respirant et marchant à peine, mais nous annonçant des rencontres et des victoires superbes qui se réalisaient toujours, et quelquefois avec une exactitude