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toujours mal avec le camarade. Voilà Mouny-Robin qui vous fera tuer du gibier tant que vous voudrez, et Dieu sait qu’il n’y a pas de plus fin braconnier en Europe et même en France ; mais, voyez-vous, il a après lui un vilain monsieur. Qu’il y prenne garde ! Un beau jour il trouvera son maître, et Georgeon finira par le tourer[1].

Au sortir d’un régiment de hussards, on n’est pas superstitieux. Mon frère, voulant passer maître à la chasse, se fit l’écolier de Mouny, et moi, qui ai toujours aimé à battre les champs et les prés, à fumer à l’ombre parfumée d’un noyer, ou à lire un roman le long de la rivière, je me mis de la partie sans songer à mal.

— D’abord, mes enfants, nous dit Mouny-Robin, il faut se mettre en chasse à l’heure de la grand’messe, si ça ne vous fait pas trop de peine.

À la bonne heure, pensai-je, voilà qui sent le sorcier. Nous partîmes pendant que la cloche du village appelait les fidèles à l’église et nous garantissait au moins contre des concurrents incommodes. — C’est trop tôt, nous dit Mouny-Robin. Laissez entrer tout le monde ; avant que le premier coup de fusil soit tiré, il ne nous faut rencontrer ni fille ni femme.

Malgré cette précaution, et quoique, pour complaire au sorcier dont les pratiques nous divertissaient, nous fissions de grands détours pour éviter de nous croiser dans notre marche avec quelque paysanne attardée se rendant à l’église, nous nous trouvâmes tout à coup face à face avec une bergère qui gardait ses moutons à l’angle d’une prairie. — Comme elle ne marche pas, dit mon frère, cela ne peut pas s’appeler une rencontre. — C’est égal, dit Mouny, c’est bien mauvais, et la chance est contre nous. Nous allons être deux heures sans rien tuer.

  1. Se tourer, en berrichon, lutter ensemble ; être touré, être terrassé dans la lutte.