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pas toujours de l’eau maintenant dans les chaleurs de l’été, et pourtant jamais il n’en a manqué du temps que Mouny-Robin en était le meunier. Le moulin qui est au-dessus et celui de Lamballe, qui est au-dessous en remontant et en suivant le même cours d’eau, en manquaient souvent. Les meuniers maudissaient la saison, ils tourmentaient en vain leurs écluses, ils épuisaient jusqu’à la dernière goutte de leurs réservoirs sans pouvoir contenter leurs clients, et pendant ce temps la roue du moulin Blanchet tournait triomphante et chassait à grand bruit des flots d’écume. Mouny-Robin satisfaisait toutes ses pratiques, et voyait, comme de juste, venir à lui toutes celles de ses confrères malheureux ; c’est que Mouny-Robin était sorcier, c’est qu’il s’était donné à Georgeon.

Qu’est-ce que Georgeon ? Qu’est-ce que Samiel ? Georgeon est un diable bien malin. Je n’ai jamais pu réussir à le voir, quoique j’y aie fait mon possible. Mais tant d’autres l’ont vu, que l’on ne saurait révoquer en doute son existence, et son intervention dans les affaires de nos paysans. C’est lui qui donne de l’eau au moulin, de l’herbe au pré, de l’embonpoint aux bestiaux, et surtout du gibier au chasseur, car il est particulièrement l’Esprit de la chasse. Il trotte dans les guérets, il rôde dans les buissons, il contrarie les chasseurs maladroits, il gambade la nuit dans les prés avec les poulains, et, quand il parcourt la forêt, il est toujours accompagné d’au moins cinquante loups, lors même qu’il n’y en a pas un seul dans le pays. Lorsqu’on le surprend dans cet équipage, on s’assemble de tous les hameaux environnants pour faire une battue ; mais, quoi qu’on fasse, les loups deviennent invisibles, et le Malin se moque des chasseurs. C’est que les favoris de Georgeon ne se mêlent jamais de ces battues ; ils n’ont à discrétion des perdrix et des lièvres qu’à la condition de respecter les loups, et de les