Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/69

Cette page n’a pas encore été corrigée

du petit comme du gros. Moi, je dis que ce qu’on appelle le petit est encore un très gros pour nous, et qu’après ceux-là, les plus nombreux sont si petits, si petits, qu’il paraît qu’ils ne comptent pas. Beau calcul, ma foi, que de dire : « Voilà cinq hommes sur mille, que nous avons contentés et qui sont en position de devenir toujours plus riches ! Si les 995 autres ne sont pas contents, qu’ils aillent plus loin. » Et où plus loin, si c’est partout de même ?

Voilà donc où nous en sommes réduits ; c’est à demander ce que nous allons devenir, à des gens qui ne veulent pas nous répondre, et qui trouvent même insolent que nous osions leur faire cette question-là. Quand on veut bien essayer de nous tranquilliser, on nous dit : « Vous mourrez de faim, c’est vrai, mais vous aurez une belle église, ça fera honneur à votre curé. Vous ne mangerez jamais de viande, mais vous aurez une jolie halle où vous aurez le plaisir de la voir étalée, ça fera honneur à votre maire. Vous serez coffrés si vous vous avisez de sortir de votre commune, parce que vous ne pouvez en sortir qu’en qualité de vagabonds ; mais vous aurez sous les yeux une belle route, ça fera honneur à votre travail. Vous ne pourrez pas faire apprendre à lire à vos enfants, mais vous aurez une école dont vous verrez sortir ceux de vos riches paroissiens, savants, habiles, bons à tout, et capables de vous mettre dedans en un tour de main, ça fera honneur à votre conseil municipal. Vous ne croyez peut-être guère à la messe, et nous pas du tout ; mais vous aurez un curé que vous nous aiderez à établir