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faire d’un peu d’eau claire du bouillon de paysan. Ça n’est pas que ça rende le pain meilleur, mais ça empêche qu’il ne vous étouffe, et quelque chose de chaud dans l’estomac, ça joue la soupe. Dans le pays de châtaignes, on vit encore à moins, à ce qu’on dit ; mais pour nous, habitants de la vallée Noire, nous ne pouvons pas économiser davantage.

Voyons maintenant notre salaire : 20 sous par jour en été, 10 sous en hiver. Supprimez les dimanches et fêtes chômées, les temps de glace où l’on ne peut travailler la terre ; si nous arrivons à 200 francs par an, je défie bien que nous dépassions d’un écu ; dira-t-on que c’est assez et que nous pouvons exister ? Il faudrait supposer pour ça que nous n’aurons pas de dettes, et pourtant, si nous n’entrons pas en ménage avec un mobilier, il faut s’endetter pour l’acheter ; — que nous ne serons jamais malades, et la santé continuelle n’est jamais arrivée à aucun homme, que je sache. Soyez arrêté seulement une semaine, vous voilà endetté. Soyez arrêté trois mois, vous voilà ruiné. Soyez arrêté un an, vous voilà perdu, Soyez estropié, vous voilà mort. — Étant malade, n’espérez pas payer le médecin. Ils sont tous bons et charitables dans notre pays, c’est au moins ça. Mais il faudrait qu’ils fussent bien riches pour nous payer à tous des drogues et pour nous donner un peu de viande, et du vin qu’il faudrait pour nous rétablir. Plus ils sont généreux et honnêtes, plus longtemps ils restent pauvres, ou plus vite ils le deviennent. C’est le sort de tous ceux qui ont bon cœur d’être bientôt à bout de leur petit pou-