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qu’on peut les prendra et les voler, les chemins, les petits comme les grands. J’en sais qu’on a subtilisés dans la poche des contribuables d’une façon aussi joyeuse que toutes les histoires de mon abbé, que j’aime bein d’ailleurs, vu qu’il parle le bon et vrai français qu’on parle encore aujourd’hui chez nous, ce qui fait que, de tous les livres que j’ai lus (j’en ai bien lu quatre ou cinq), c’est celui-là que je comprends le mieux.

Vous voyez donc bien, mes chers messieurs, que le pauvre est à la merci du riche, comme autrefois le faible était à la merci du fort. Vous voyez donc bien par conséquent qu’une misère à la place d’une autre, ce n’est rien de gagné ; de la même manière qu’un fardeau qui ne fait que changer de nom n’est pas plus doux à porter dans un temps que dans l’autre. Mais je n’ai pas fini de vous énumérer nos peines et nos inquiétudes. Vous allez voir qu’il nous arrive pire que jamais, et que la vie d’un chacun pauvre va être mise en question ; à savoir s’il a le droit de vivre, ayant quelque chose, ou si, n’ayant rien, il n’est pas obligé de se jeter à la rivière avec une pierre au cou pour faire de la place. Je veux même avoir vos bons avis là-dessus, pour savoir si je ne ferais pas mieux d’en prendre mon parti tout de suite et de me périr avec ma famille avant tous les chagrins et tous le» ennuis qui vont nous y forcer peu à peu.

Dans l’ancien régime, nous avions nos communaux, propriété sacrée et inaliénable du pauvre, comme disait notre ancien curé, et on ne songeait pas à les