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pas de l’éternel hiver, les vaches tachetées broutaient en paix les fleurs nouvelles, et qu’un grand aigle décrivait, avec son ombre portée, des cercles majestueux et lents sur la vaste arène des prairies.

À l’abri des plus hautes cimes, sur ces plateaux élevés, derniers sanctuaires de la vie pastorale, quelques êtres humains, clair semés dans les chalets, semblaient devoir ignorer que le monde était en feu, et qu’au delà de ces incommensurables horizons où l’œil devine les Alpes, le canon grondait plus haut que le tonnerre, tandis que les vautours planaient sur des champs de bataille.

Et pourtant, ces hôtes de l’éternelle solitude, ces gardeurs de troupeaux, ces enfants de l’herbe et des nuages, qui, durant les jours de Tété, deviennent étrangers même à leur famille, savaient la guerre et connaissaient les noms des braves.

Et nos guides parlaient de l’Afrique et racontaient Constantine, en nous demandant si les soldats d’aujourd’hui avaient plus de mal et de fatigue qu’ils n’en avaient eus eux-mêmes.

Dans ce calme austère de la nature, une émotion, un étonnement, une attente trouvait encore des cœurs à faire battre. « Sommes-nous les maîtres là-bas ? Avançons-nous ? Gagnons-nous des batailles ? »

Et, là comme ailleurs, dans les chaumières comme dans tes châteaux, dans les hameaux comme dans les villes, partout sur les routes et à travers les champs, chacun vivait hors de soi ; le cœur avait suivi l’élan guerrier, et les reposoirs rustiques de la Fête-Dieu