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le pouvoir que de vous, vous engager dans la voie funeste des vengeances hypocrites ? L’autoriserez-vous, par votre silence ou votre indécision, à vous rendre odieuse au peuple, qui n’a pas versé une goutte de votre sang en février, et qui, même après le désespérant malentendu de juin, compte arriver à s’entendre avec vous, à vous rassurer, à vous traiter fraternellement ?

Non, vous ne le voudrez pas, et vous pouvez l’empêcher. On ne nous accusera pas, quand c’est à vous que nous nous adressons, de vous demander une action trop énergique, une opposition dangereuse pour la tranquillité publique. Votre arme à vous, et c’est peut-être la plus puissante, la plus invincible qu’il y ait aujourd’hui en France, c’est l’opinion ! L’opinion publique, devant laquelle les pouvoirs enivrés reculent toujours, c’est vous qui la faites. Eh bien, que votre jugement flétrisse donc d’avance ces raffinements de cruauté, et surtout cette perfidie qui ne vous sera jamais sympathique, quelque peur qu’on réussisse à vous inspirer.

Mon Dieu, oui, la peur ! C’est elle seule qui rend la conscience muette dans les temps agités. Le courage physique, nul ne peut dire que vous ne l’ayez point. Tout Français a celui-là. Mais le courage moral, on a pris à tâche de l’énerver chez nous. Tel citoyen qui se battrait héroïquement contre l’Europe coalisée, tremble aujourd’hui devant l’ombre d’une idée. « Laissez-nous égorger quelques hommes, lui crie-t-on, et avec ces hommes mourront les idées