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nous, nous n’avons pas seulement des devoirs, nous avons des droits. C’est vous qui avez profité du passé, vous seul ! C’est vous aussi qui avez provoqué, par votre entêtement et vos méfiances la crise, où nous sommes, et le présent ne périra pas avec l’avenir, pour laisser le passé vivre impunément sur leurs cadavres.

Oui, les hommes du passé doivent bien s’attendre à payer les frais de la guerre qu’ils nous ont suscitée. C’est à nous de voir ce qu’on peut leur réclamer avec justice, et ici, sans nous occuper de leur désespoir ou de leur colère, nous avons à nous consulter pour connaître l’étendue et la limite de notre devoir.

Au premier coup d’œil, il semble équitable de tout reprendre à celui qui a tout pris. Quand on entend le cri de la veuve et de l’orphelin, quand on voit à tous les carrefours le vieillard et l’enfant tendre la main aux passants, on sent bouillonner en soi une vive indignation. Le riche n’a-t-il pas enfin mérité d’être mis à la place du pauvre ?

Hélas ! oui, il l’eût mérité sous l’ancienne loi, et, si nous appliquions aux hommes du passé la loi du passé, le riche subirait la peine du talion.

Mais nous sommes les législateurs du présent, les initiateurs de l’avenir, nous ne pouvons pas appliquer la peine du talion.

L’avenir détruira entièrement la richesse individuelle, il créera la richesse sociale. L’avenir n’aura plus de pauvres, il n’aura que des égaux dans toute la force du terme.