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besoins, ils deviennent insensés. Ainsi, tandis que les idées tournaient à la folie, les sentiments tombaient en paralysie.

Tu t’es levé dans ta force, et on a vu que ta vraie force c’était ta bonté ; alors, chez quelques-uns, la peur s’est changée en une confiance exagérée. « Ce peuple n’est pas méchant, ont-ils dit. Il n’a d’effrayant que l’aspect. Par la douceur, on peut le prendre, par de belles paroles on peut le séduire. Voyez comme il est patient, voyez comme il est simple : en vérité, nous avions tort de le craindre et de l’enchaîner. Nous eussions pu lui donner plus de liberté, et il n’en eût pas abusé. Arrière la royauté, qui nous a privés si longtemps d’un instrument aussi docile et aussi malléable ! Notre pouvoir n’eût pas été ébranlé par la violente secousse d’hier, si on eût accordé le suffrage universel il y a dix ans. Comment donc ! mais c’est un plaisir que d’avoir affaire à des électeurs qui ne comprennent rien au mécanisme des intérêts publics, et qui ont la droiture et la candeur de l’enfance ! Un peu de patience, et nous le mènerons où nous voudrons. Or donc, vive la République ! Nous déclarons que nous avons toujours été républicains, et quand nous nous disions conservateurs, c’était pour mieux trahir et précipiter la monarchie. À présent, concertons-nous. Affectons une grande et soudaine terreur, ce bon peuple aura pitié de nous, et, un peu vain de sa réputation de générosité, il nous rassurera, il nous caressera pour nous engager à rouvrir les sources de la fortune publique, selon le procédé bien connu du