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seignement chrétien de la charité, cher et grand peuple, qui es devenu le bras de la Providence et la voix de Dieu même ! Vois ! nous étions bien malheureux, presque aussi malheureux que toi, nous autres qui ne manquions jamais de pain, mais qui vivions loin de toi sous la loi de l’égoïsme, et qui appelions en vain l’appui et l’amour de nos frères dans la vie publique. Quel ennui mortel, pour les cœurs honnêtes, que ce loisir amer qu’il nous était impossible de partager avec toi ! et qu’il était aride et fastidieux, ce droit que nous exercions de gouverner sans toi et malgré toi ! Ceux d’entre nous qui ne s’en rendaient pas compte l’éprouvaient pourtant, ce dégoût d’une vie scindée et faussée dans son principe. Nous vivions comme une flotte naufragée que la tempête a dispersée sur des récifs, et dont les passagers meurent séparés par des abîmes, en se tendant les bras, sans pouvoir se porter secours les uns aux autres. Oui, le sort de l’humanité, divisée de droits et d’intérêts, est aussi horrible que cela, c’est la prison cellulaire, où Ton devient stupide et insensé.

Une vie nouvelle commence : nous allons nous connaître, nous allons nous aimer, nous allons chercher ensemble et trouver la vérité sociale ; elle est au concours. Nous l’eussions cherchée en vain les uns sans les autres. Nous la trouverons, non pas sans doute demain, non pas peut-être dans nos premières assemblées nationales, mais avec le temps, les essais, l’expérience, et surtout avec l’esprit d’union et de sincérité, sans lequel la République est