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Cet appel au pape a beaucoup de force, et pourtant il a beaucoup de respect et de simplicité. Comment se fait-il que personne n’ait encore dit à Pie IX ces choses si sensées et si chrétiennes ? Il me semble que, jusqu’ici, on s’est trompé dans les prières qu’on lui a adressées, dans les encouragements qu’on lui a donnés. On a cru pouvoir le considérer comme un souverain politique, et l’appeler à résister à l’Autriche par les talents de l’homme d’État ou du général d’armée. En France, dans les séminaires, il y a plus d’un jeune lévite dont le cœur bat à l’idée de déposer l’encensoir pour prendre un fusil de munition, et, dans leurs rêves dorés, ces enfants de l’Église se voient chassant le soldat autrichien du parvis de Saint-Pierre, et proclamant la liberté politique de l’Église et la suprême autorité morale du saint pontife, libérateur des peuples. Le peuple de Rome, par un instinct sacré, crie chaque jour aux oreilles de Pie IX : Courage, saint-père, courage ! Mais quoi ! le pape peut-il et doit-il descendre dans l’arène des passions et des controverses humaines, et voulez-vous donc que, le glaive en main, il inaugure au Vatican la constitution d’une nouvelle Église ? Non, c’est lui demander ce qu’il ne peut pas vouloir, c’est l’épouvanter par des conseils hors de portée, c’est exiger de lui un rôle que la société présente lui dénie. Saisi de frayeur, il reculera plutôt que d’encourir le soupçon de solidarité avec les doctrines officielles qui ne sont pas les siennes ; et déjà, vous le voyez, dans une allocution au consistoire, faire des vœux stériles pour la malheureuse