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qu’elle vient de traverser immédiatement. Sur son premier âge, quand elle n’a pas de documents satisfaisants, elle en forge ; elle accepte la poésie des temps fabuleux, elle en creuse les symboles ; des savants entassent des montagnes de commentaires sur des montagnes d’incertitudes. Les premiers grands événements qui se dessinent avec netteté sont l’objet d’un culte classique, d’études consacrées.

L’enfant suit la même route que le genre humain : il apprend, dès qu’il peut apprendre quelque chose, l’histoire des anciennes républiques et des antiques monarchies. Il passera dix ans de sa vie, tout au moins, à connaître la vie des Grecs et des Romains, mais l’histoire des Français, mais sa propre histoire, quand la connaîtra-t-il ?

Il y a un fait certain et consacré dans le régime officiel des écoles, c’est que, après Louis XIV, on ferme le livre de l’histoire. Il y a à cela une bonne raison : c’est que ce qu’on enseigne officiellement comme l’histoire du passé est un leurre, la plupart du temps, et qu’il serait bien dangereux de montrer des conséquences vraies après avoir donné des prémisses menteuses.

Mais cet habile système est vain ; il est maladroit, comme toutes les habiletés de mauvaise foi. La lumière veut être, elle sera, elle est ; La loi naturelle qui fait qu’au lendemain de l’action, la mémoire des hommes s’obscurcit et se remplit de nuages comme celle des vieillards, cette loi même qui semble fatale, ne saurait prévaloir contre le besoin de vérité qui dé-