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proclame la vérité sans le vouloir. Elle signe en traits de feu qu’elle a menti. On pourrait répondre à ceux qui dressèrent des gibets et des bûchers pour détruire la liberté de l’homme : « Dis-moi comment tu parles de tes victimes et je te dirai ce qu’elles ont mérité ; fais-moi voir comment tu écris et je te dirai qui tu es. »

Mais, pour que tous les documents, même les plus mensongers, éclairent à ce point la conscience de l’historien, il ne faut pas seulement que cet historien soit homme de sens et homme de bien à un degré ordinaire. La logique est parfois au service de vues étroites, et on peut fort bien raisonner tout en comprenant médiocrement. Il faut une doctrine, une philosophie au véritable historien ; si sa religion a peu d’élévation et de portée, son œuvre sera comme sa religion, et, quel que soit son talent, il ne jettera qu’un éclat éphémère. Se mettre au point de vue du présent matériel, expliquer des faits pour le seul plaisir d’en dévoiler le mystérieux mécanisme à l’œil des curieux, se renfermer dans une vulgaire tolérance des faits accomplis sans en chercher dans l’avenir l’immense portée et l’immortel retentissement, ce n’est pas comprendre l’histoire, car il n’est pas un seul instant dans la vie de l’humanité qui n’influe à jamais, soit en bien soit en mal, sur l’éternelle existence de l’humanité. Voyez donc quel homme supérieur il faut être pour embrasser la vie entière du genre humain dans le sentiment de quelques heures de son existence. Et vous comprendrez pourquoi,