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LE MENDIANT.

Je n’ai jamais vécu dans le désordre, et il y en a beaucoup d’autres comme moi à qui l’on n’a rien à reprocher. Je demande la liberté pour ceux-là, je la demande pour moi. Que voulez-vous que je comprenne à votre morale publique, à votre ordre public ? Qui s’est donné jamais la peine de m’enseigner tout cela ? Est-ce que l’on m’a habitué à croire que je faisais partie de la société ? On ne m’a jamais fait ma part de bien-être et d’éducation : on ne se souvient de moi que pour me faire ma part d’esclavage.

L’ADJOINT.

Si vous le laissez dire, il va nous prouver que les pauvres ont autant de droits que les riches. Faites-le taire, monsieur le gendarme, et emmenez-le.

LE CURÉ.

Monsieur l’adjoint, n’allons pas plus loin que la loi, et ne faisons pas de l’ordre public un abus de la force. Il n’y a point de loi parfaite ; il n’en est pas, du moins, qui n’ait, dans l’application et le détail, quelque fâcheuse conséquence. C’est aux hommes de bien à aider à l’accomplissement des lois en apportant quelque adoucissement à leur rudesse. Ayons pitié de ceux qui en souffrent plus particulièrement. Tenez, il y a un arrangement facile à faire, laissez approcher ces paysans qui viennent à nous. Venez ici, mes enfants, mes frères, et dites-moi si vous voulez consentir à ce que je vais vous proposer. Voici le père Va-tout-seul que vous connaissez tous et dont personne ne s’est jamais trouvé importuné.