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ne les conduisez pas en prison sous prétexte qu’ils peuvent nuire un jour ou l’autre. Ils ne se laisseraient pas faire, d’ailleurs ! ils se défendraient. Ils ont de l’argent, ils payeraient des avocats, ils plaideraient. Ils ont des serviteurs, des ouvriers ; ils les rassembleraient, ils feraient une révolution. Oui, je vous dis, moi, que les riches, avec tous les moyens qu’ils ont d’augmenter, de satisfaire et de faire craindre leurs vices, menacent la tranquillité publique encore plus que les pauvres ; et cependant, on ne prendra jamais contre eux des mesures préventives. Quant à nous, c’est différent ! nous sommes sans défense, nous ne savons pas réclamer, aucun avocat ne voudrait parler en notre faveur. On fait acte de propriété sur nos personnes, sur nos vies. On nous ôte notre liberté, c’est condamner à la mort beaucoup d’entre nous… car les vieux comme moi ne s’habitueront pas à ce nouveau régime, sois-en sûr ; fût-il matériellement meilleur que celui auquel nous sommes faits, il ne nous va pas. Comment ! nous aurons des heures réglées, des surveillants, des maîtres enfin, auxquels il faudra obéir, et qui nous condamneront à la pénitence, à la diète, à l’amende, au cachot peut-être, si, nous qui n’avons jamais connu aucune règle, nous ne nous soumettons pas à la règle ! Enfin, on veut nous mettre au couvent, et faire de nous des moines ; nous, dont le seul bonheur était de vivre libres et de ne dépendre que de notre innocent caprice ! vois comme c’est injuste ! Va donc demander aux petits propriétaires qui ont chacun une pauvre maison et un mauvais bout de champ, s’ils