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LE MENDIANT.

Tu veux que j’apprenne à mon âge ? je conçois cela pour les jeunes gens, pour les enfants. Mais, moi, j’ai passé ma vie sans rien apprendre, j’ai l’habitude d’une douce oisiveté, je m’y plais ; c’est mon seul bonheur, la seule compensation à ma misère. De quel droit condamne-t-on un homme qui n’est coupable d’aucune faute, à changer toutes ses habitudes ; à se faire une vie sédentaire, laborieuse, utile si vous voulez… Mais pourquoi serais-je utile ? à quoi dois-je mes services ? qu’est-ce que la société a fait pour moi jusqu’à présent ? non, elle n’a rien à réclamer de ma bonne volonté. Je ne lui demande que de passer sur la terre et de respirer l’air du ciel. C’est trop cruel de me refuser ce qui ne coûte rien à personne.

LE GENDARME.

C’est malheureux pour toi, puisque tu tiens tant à te promener. Mais c’est une mesure générale qui devenait très nécessaire. Le nombre des mendiants augmente de jour en jour. On dit que vous êtes plusieurs millions, en France, de gens sans aveu, sans ressources, sans feu ni lieu. Cela menaçait la sûreté publique. Eh ! je ne dis pas cela pour vous, père Va-tout-seul, mais pour bien d’autres qui auraient pu, un beau jour, tenter un coup de main sur les propriétés.

LE MENDIANT.

Ainsi, c’est la peur ? on nous craint ? voilà pourquoi on nous enferme ! mais on n’a jamais enfermé aucun homme sur une simple prévention ? Il y a des riches emportés, irascibles et dangereux dans le vin. Vous