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Espérons donc que la critique voudra bien consentir un jour à se faire plus gracieusement pédagogue, et à s’armer d’une férule plus légère et de lunettes moins microscopiques. Nous la prions, au nom des lumières, au nom de la philosophie, au saint nom de l’art poétique, d’entreprendre paternellement l’éducation des femmes auteurs.

Le livre que nous présentons aujourd’hui à son examen est un de ceux dont la modestie et le charme portent le plus gracieux caractère. Madame Merlin le fit imprimer il y a quelques années pour un petit nombre de personnes, et cette timide apparition ne sauva point d’un véritable succès l’humilité de l’auteur. Encouragée aujourd’hui par des suffrages bien désintéressés, elle s’est décidée à une réimpression du joli volume intitulé Mes douze premières années, augmenté d’une suite que nous désirons trouver digne du commencement.

M. de Latouche a dit en parlant des femmes : Elles ne sont pas poëtes, elles sont la poésie. Rien ne peut être mieux appliqué au récit de l’enfance de Mercedes Merlin. Sous un ciel enchanté, au bord d’une mer d’or et de pourpre, au sein d’une nature vigoureuse, riche en délices, ce récit nous montre une enfant créole, chaste, aimante et simple comme la Virginie des Pamplemousses, mais solitaire, et, par conséquent, plus fière, plus rêveuse et plus forte. Ce que nous aimons le plus dans cette belle fille de la nature, c’est qu’elle sait lire à peine, c’est qu’elle n’apprend point des Vers de Racine et de Boileau par cœur avant d’être capable de les comprendre, c’est qu’elle ne conçoit rien à la nécessité de la contrainte, de l’hypocrisie et de l’affection. C’est en vain que ses grands parents,