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dans le présent, nous nous prononcerions pour la supériorité intellectuelle de l’homme. Il est vrai que, si nous partions du même principe pour juger de la progressivité de l’homme, nous prononcerions hardiment qu’il est né pour l’esclavage, et qu’il faut lui refuser toute lumière et toute liberté. Proportion gardée, nous croyons que, jusqu’au milieu du siècle dernier, l’intelligence féminine s’est développée, dans son éternel ilotisme, autant que celle de l’homme dans sa constante souveraineté. Mais, comme nous n’avons pas encore vu la femme admise généralement à une liberté d’instruction suffisante, nous ne pouvons constater que des faits. Les plus grandes femmes scientifiques et littéraires, sans en excepter aucune, n’ont été et ne sont encore dans leur partie que des hommes de seconde classe, tout au plus. On a eu égard à l’infirmité de leur sexe en leur donnant place au milieu des premiers hommes de leur temps : on a bien fait. C’est pourquoi nous ne pensons pas qu’un génie mâle puisse être envieux et inquiet des triomphes d’un génie femelle : il faut qu’un homme soit bien médiocre pour en être blessé, et pour vouloir en souiller l’éclat inoffensif.

La faiblesse et la pâleur des productions littéraires féminines, sans prouver irrévocablement l’infériorité intellectuelle du sexe, devraient trouver grâce et protection, en raison de leur peu d’importance. En aucun temps, peut-être, les femmes n’ont été aussi peu aimées que dans celui-ci. C’est une preuve certaine du désaccord qui règne entre l’éducation de l’homme et celle de la femme, entre le progrès énorme de l’une et le progrès insuffisant de l’autre. Un jour, peut-être, l’égalité pourra être réclamée ; aujourd’hui,