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du possible prochain. Qui le redoute et le néglige pèche contre la destinée.

Plus on regarde en arrière, plus on voit que cette solution était impossible à des hommes qui manquaient de la foi au progrès. L’idéal de Caton était une oligarchie avec des esclaves ; la vertu pour quelques privilégiés, l’égalité pour un groupe d’hommes choisis, l’oppression et l’abrutissement pour le grand nombre. L’ambition de César c’était l’énergie politique, le développement de l’agitation sociale à tout prix ; l’ordre et le désordre, la paix et la guerre, les réformes enchevêtrées aux abus, tous les biens et tous les maux, plutôt que la dissolution de la Rome matérielle et l’extinction de sa vitalité.

Au premier abord, le génie aventureux de César séduit beaucoup plus que la rigide obstination de Caton, et même il semble que César représente la foi au progrès, l’estime de l’humanité, tandis que Caton représente l’éternelle défiance du développement humain et l’amour de la règle beaucoup plus que celui de ses semblables.

Il n’en est point ainsi pourtant. Caton place la vertu dans le passé, mais il y croit et il l’aime. César s’en rit et la supprime. L’idéal moral lui manque absolument, il méprise profondément les hommes, et c’est pour cela qu’il est pratique, il sait se servir d’eux. Caton conserve un idéal sublime, mais d’une étroite application, et trop inconscient des besoins de la vie nouvelle.

César, sceptique, attente légalement à la liberté ; mais il l’indroduit dans les mœurs par le fait. Caton, socialiste aveuglé, veut enchaîner l’individu à l’État, et il sacrifierait volontiers ; la liberté au devoir.