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d’un écrivain de grande valeur, et, à propos de lui, il nous a été nécessaire de parler des tendances d’une partie de nos jeunes contemporains. Mettre ces tendances en lumière, en rechercher les causes et le but, nous a semblé intéressant, à nous qui demandons avec tout le monde d’où vient et où va le talent, ce qu’il prouve et ce qu’il annonce, enfin ce qu’il révèle aux penseurs de notre époque, aux ministres comme aux particuliers, aux croyants de toutes les écoles comme aux sceptiques de toutes les classes.

Ce que nous trouvons au fond de l’œuvre d’art qui nous occupe, — et Madelon est un spécimen très-tranché et très-brillant de la tendance séparatiste, — c’est un divorce audacieux entre l’homme et le ciel ; c’est plus que le doute, c’est la négation.

Nous nous trompons peut-être et nous ne prétendons pas engager la conscience de l’écrivain ; mais nous croyons voir dans sa manière de peindre la nature humaine une désespérance religieuse prononcée. Son étude de mœurs actuelles est aussi bien la négation des forces morales de l’homme d’aujourd’hui, que la satire du vice impudent et impuni. Un seul des personnages qu’il met en scène est pur de toute souillure : rien ne peut sauver cet homme de bien de sa ruine, de la persécution des méchants, de l’abandon des faibles et de son propre dégoût de la vie, ni son travail utile et fécond, ni son intelligence élevée, ni sa philosophie stoïque, ni ses vertus réelles, ni sa générosité inépuisable. En proie à une douleur muette et profonde, il se décourage et se tue. Il semble qu’après nous avoir fait pénétrer dans le sanctuaire d’une adorable famille, M. Edmond About n’ait songé qu’à faire ressortir l’insolent triomphe d’une prostituée et d’une